Auteur: Zarbor Zarvaj
Date: 06-10-2016 13:39
Cher 3Oui,
> > Et si Dieu décide que jamais cette pomme-ci n'existera, elle
> > n'existera pas. Dieu sait donc par Dieu qu'elle n'existe pas.
>
> >
>
> Évidemment, mais cette décision de Dieu est contingente. La
> connaissance par Dieu de l'existence de la pomme est donc elle
> aussi contingente. Contrairement à l'essence divine, qui est
> nécessaire.
PREMIÈRE ERREUR !
QUE DIEU VEUILLE LIBREMENT QUE CETTE POMME EXISTE N’IMPLIQUE AUCUNEMENT QUE LA CONNAISSANCE DIVINE DE LA POMME SOIT CONTINGENTE.
« Il faut dire que Dieu se voit lui-même en lui-même, puisqu’il se voit par sa propre essence. Mais quant aux autres êtres, il ne les voit pas en eux-mêmes, il les voit en lui-même, selon que son essence a en elle la similitude de tout ce qui est autre que lui. » I, q.14, a.5, co
« La vision intellectuelle n’est pas spécifiée par ce qui est vu dans un autre, mais par le connu principal dans lequel les autres choses sont connues. Le connaître, en effet, est spécifié par son objet en raison de ce que la forme intelligible est le principe de l’opération intellectuelle ; car toute opération est spécifiée par la forme qui est le principe de cette opération... Et cette forme intelligible est celle du connu principal qui, en Dieu, n’est autre que son essence même, en laquelle toutes les formes représentatives des êtres sont comprises. Il ne s’impose donc pas que l’intellection divine, ou plutôt Dieu lui-même, soit spécifiée par autre chose que l’essence de Dieu. » I, q.14, a.5, ad.3
« Ainsi donc, comme son essence comprend tout ce qu’il y a de perfection dans l’essence de quelque autre chose que ce soit, et bien davantage, Dieu peut connaître en lui-même toutes choses d’une connaissance propre. Car la nature propre d’un être quelconque a consistance selon qu’elle participe en quelque manière la perfection divine. Or Dieu ne se connaîtrait point parfaitement lui-même, s’il ne connaissait toutes les manières dont sa perfection peut être participée par d’autres. Et la nature même de l’être ne lui serait pas connue parfaitement, s’il ne connaissait tous les modes d’être. Il est donc manifeste que Dieu connaît toutes choses d’une connaissance propre, selon que chacune se distingue des autres. » I, q.14, a.6, co
« La science de Dieu est la cause des choses ; car la science de Dieu est à l’égard des choses créées ce qu’est la science de l’artisan à l’égard de ses œuvres. Or, la science de l’artisan est bien la cause de ce qu’il produit, du fait qu’il agit par son intelligence, et que par conséquent la forme intelligible est le principe de son opération, comme la chaleur est le principe de l’échauffement. Toutefois, il faut considérer que la forme naturelle n’est pas dite principe d’action en tant qu’elle est immanente à ce qu’elle fait exister, mais bien en tant qu’elle est ordonnée à l’effet. De même, la forme intelligible n’est pas dite principe d’action par le seul fait qu’elle est la forme intelligible dans le connaissant, si elle n’est pas complétée par une ordination à l’effet, laquelle vient de la volonté. En effet, comme la forme intelligible est indifférente à l’égard de l’un ou l’autre des opposés (puisque c’est la même science qui considère les opposés), elle ne produirait pas d’effet déterminé, si elle-même n’était déterminée à son égard par l’appétit [cf. I, q.19, a.3, ad.6]. C’est ce qu’explique Aristote. Or, il est manifeste que Dieu cause toutes choses par son intelligence, puisque son être et son intellection sont identiques. Il est donc nécessaire de dire que sa science est la cause des choses, conjointement avec sa volonté. C’est pourquoi la science de Dieu, envisagée comme cause des choses, est ordinairement appelée “ science d’approbation ”. » I, q.14, a.8, co
«De même que l’être divin, le vouloir divin et le savoir divin sont en eux-mêmes nécessaires ; mais alors que le savoir divin a un rapport nécessaire aux choses qu’il sait, il n’en est pas de même du vouloir à l’égard des choses voulues. La raison en est qu’on a la science des choses selon que les choses sont dans le sujet qui connaît ; au contraire, la volonté a rapport aux choses selon qu’elles sont en elles-mêmes [c.-à-d. selon qu’elles sont contingentes, cf. I, q.19, a.3, ad.4]. Donc, parce que toutes les choses autres que Dieu ont un être nécessaire selon qu’elles sont en Dieu, mais non selon qu’elles sont en elles-mêmes, en raison de cela toutes les choses que Dieu sait, il les sait nécessairement ; mais toutes les choses qu’il veut, il ne les veut pas nécessairement. » I, q.19, a.3, ad.6
«Dieu étant cause des choses par sa science, comme on l’a dit, la science de Dieu a la même extension que sa causalité. Et comme la vertu active de Dieu ne s’étend pas seulement aux formes à partir desquelles est dégagé l’universel, mais à la matière même, ainsi qu’on le montrera, il est donc de toute nécessité que la science de Dieu s’étende aux singuliers, qui tiennent leur individualité de la matière. En effet, comme Dieu connaît les autres par l’intermédiaire de sa propre essence, en tant que cette essence est la similitude des choses, ou encore leur principe efficient, il est nécessaire que son essence suffise à lui faire connaître toutes les choses qui sont faites par lui, et cela non seulement dans leur nature universelle, mais aussi dans leur singularité. Il en serait ainsi de la science de l’artisan lui-même, si elle produisait toute la chose, au lieu de lui donner uniquement sa forme. » I, q.14, a.11, co
« D’après nos précédentes déterminations, la science de Dieu est sa substance même. Comme sa substance est absolument immuable, ainsi que nous l’avons également montré, il y a nécessité que sa science soit tout à fait invariable. » I, q.14, a.15, co
> > Est d'ailleurs strictement impossible que Dieu connaisse la
> > pomme par la pomme. L'affirmer, c'est nier l'Acte Pur, poser
> > une composition d'acte et de puissance en Dieu déterminé à
> > connaître par autre chose que lui.
> >
>
> Il me semble au contraire que dire que Dieu connaît l'existence
> de la pomme par sa seule essence implique d'admettre un défaut
> dans l'Acte Pur.
DEUXIÈME ERREUR !
C’EST PRÉCISÉMENT PARCE QUE DIEU EST ACTE PUR QU’IL CONNAIT PAR LUI-MÊME L’EXISTENCE D’AUTRUI.
EST STRICTEMENT IMPOSSIBLE QU’IL SOIT ACTE PUR EN CONNAISSANT PAR AUTRE CHOSE QUE LUI-MÊME, PUISQU’ALORS IL SERAIT DÉTERMINÉ, INFORMÉ, PAR LA CHOSE PAR QUOI IL LUI SERAIT DONNÉ DE CONNAÎTRE.
> En effet, si Dieu connaît l'existence de la
> pomme par sa seule essence, alors de deux choses l'une :
LES DEUX BRANCHES DE VOTRE ALTERNATIVES SONT FAUSSES.
> - Soit l'existence de la pomme est nécessaire (puisque
> l'essence divine est nécessaire), ce qui revient à dire que la
> pomme fait partie de l'essence de Dieu, qui seul est nécessaire.
> Or cela est absurde.
TROISIÈME ERREUR !
QUE DIEU CONNAISSE NÉCESSAIREMENT ET PAR SOI, PAR SA DÉITÉ, L’EXISTENCE DE LA POMME, N’IMPLIQUE AUCUNEMENT QUE L’EXISTENCE DE CETTE POMME SOIT NÉCESSAIRE.
«Bien que le vouloir de Dieu soit son être en réalité, il en diffère pourtant conceptuellement, en raison des manières différentes dont nous connaissons et signifions l’un et l’autre » I, q.19, a.2, ad.1
« Au sujet des vouloirs divins, on doit donc considérer qu’il est nécessaire absolument, qu’il y ait un bien qui soit voulu pour lui-même par Dieu, mais cela n’est pas vrai de tout ce qu’il veut. En effet, la volonté divine a un rapport nécessaire avec la bonté divine qui est son objet propre. Dieu veut donc nécessairement que sa bonté soit, comme notre volonté veut nécessairement la béatitude... Mais les choses autres que lui, Dieu les veut en tant qu’elles sont ordonnées à sa bonté comme à leur fin. Or les choses qui sont ordonnées à une fin, nous ne les voulons pas nécessairement en voulant la fin, à moins qu’elles ne soient telles que sans elles la fin ne puisse être... Aussi, puisque la bonté de Dieu est parfaite et peut être sans les autres choses, puisque sa perfection ne s’accroît en rien par les autres, il s’ensuit que vouloir d’autres choses que lui-même n’est pas pour Dieu nécessaire absolument. Cela est pourtant nécessaire conditionnellement ; car à supposer qu’il veuille, Dieu ne peut pas ne pas vouloir, parce que sa volonté ne peut pas changer. » I, q.19, a.3, co
« Il arrive qu’une cause nécessaire en elle-même ait un rapport non nécessaire à tel de ses effets, et cela par le défaut de l’effet, non par la défaillance de la cause… Que Dieu veuille non nécessairement certaines des choses qu’il veut, cela ne vient pas d’une défaillance de la volonté divine, mais d’un défaut qui affecte par nature la chose voulue : à savoir qu’elle est telle que, sans elle, la parfaite bonté de Dieu peut être. Or tout bien créé comporte ce défaut-là. » I, q.19, a.3, ad.4
« Une cause contingente par elle-même a besoin d’être déterminée à son effet par quelque chose d’extérieur. Mais la volonté divine, qui de soi est nécessaire, se détermine d’elle-même à vouloir un bien auquel elle a un rapport non nécessaire. » I, q.19, a.3, ad.5
«De même que l’être divin, le vouloir divin et le savoir divin sont en eux-mêmes nécessaires ; mais alors que le savoir divin a un rapport nécessaire aux choses qu’il sait, il n’en est pas de même du vouloir à l’égard des choses voulues. La raison en est qu’on a la science des choses selon que les choses sont dans le sujet qui connaît ; au contraire, la volonté a rapport aux choses selon qu’elles sont en elles-mêmes [c.-à-d. selon qu’elles sont contingentes, cf. I, q.19, a.3, ad.4]. Donc, parce que toutes les choses autres que Dieu ont un être nécessaire selon qu’elles sont en Dieu, mais non selon qu’elles sont en elles-mêmes, en raison de cela toutes les choses que Dieu sait, il les sait nécessairement ; mais toutes les choses qu’il veut, il ne les veut pas nécessairement. » I, q.19, a.3, ad.6
« On ne peut d’aucune manière attribuer une cause à la volonté divine. Pour s’en convaincre, il faut observer que, la volonté procédant de l’intelligence, être cause qu’une volonté veuille et qu’une intelligence connaisse, cela se fait de la même manière. Or ce qui se passe dans l’intellect, c’est que, s’il conçoit d’un côté le principe, et d’un côté la conclusion, l’intelligence du principe cause la science de la conclusion. Mais si l’intellect voyait directement la conclusion dans le principe, saisissant l’un et l’autre d’un seul regard, la science de la conclusion ne serait pas causée en lui par l’intelligence des principes, car le même n’est pas cause de soi-même. Toutefois l’intellect comprendrait que les principes sont cause de la conclusion. Il en va de même pour la volonté, pour laquelle la fin est à l’égard des moyens ce que sont pour l’intelligence les principes à l’égard des conclusions. Par conséquent, si quelqu’un, par un acte, veut la fin, et par un autre acte les moyens, le vouloir de la fin sera pour lui la cause du vouloir des moyens. Mais si par un seul acte il veut la fin et les moyens relatifs à cette fin, cela ne pourra pas être, car le même n’est pas cause de soi-même. Cependant, il sera vrai de dire que cet être veut ordonner les moyens à la fin. Or, de même que Dieu, par un seul acte, voit toutes les choses dans son essence, ainsi par un seul acte veut-il tout dans sa bonté. Aussi, de même qu’en Dieu connaître la cause ne cause pas la connaissance des effets, mais il connaît les effets dans leurs causes, ainsi vouloir la fin n’est-il pas en Dieu cause qu’il veuille les moyens ; mais il veut que les moyens soient ordonnés à la fin. Il veut donc que ceci soit pour cela, mais ce n’est pas à cause de cela qu’il veut ceci. » I, q.19, a.5, co
« La volonté de Dieu est absolument immuable. Mais à cet égard il faut songer qu’autre chose est changer de volonté, autre chose est vouloir le changement de certaines choses. Quelqu’un peut, sa volonté demeurant toujours la même, vouloir que ceci se fasse maintenant, et que le contraire se fasse ensuite. La volonté changerait si quelqu’un se mettait à vouloir ce que d’abord il ne voulait pas, ou à cesser de vouloir ce qu’il voulait d’abord. Cela ne peut arriver que par un changement soit dans la connaissance, soit dans les conditions existentielles de celui qui veut. En effet, la volonté, ayant pour objet le bon, un sujet peut commencer à vouloir une autre chose de deux façons. D’abord, si cette chose commence à être bonne pour lui, et cela n’est pas sans changement de sa part, comme, lorsque le froid arrive, il devient bon de s’asseoir près du feu, ce qui auparavant ne l’était pas. Ou bien le sujet vient à reconnaître que cela lui est bon, alors qu’il l’ignorait auparavant ; car si nous délibérons, c’est pour savoir ce qui nous est bon. Or, on a montré plus haut, que la substance de Dieu et sa science sont absolument immuables l’une et l’autre. Il faut donc que sa volonté, elle aussi, soit absolument immuable. » I, q.19, a.7, co
« Lorsqu’une cause est efficace, l’effet procède de la cause, non seulement quant à ce qui est produit, mais encore quant à la manière dont cela est produit, ou dont cela est ; c’est en effet l’insuffisante vigueur de la semence qui fait que le fils naisse dissemblable de son père quant aux caractères individuants, qui font sa manière d’être un homme. Donc, comme la volonté divine est parfaitement efficace, il s’ensuit que, non seulement les choses qu’elle veut sont faites, mais qu’elles se font de la manière qu’il veut. Or Dieu veut que certaines choses se produisent nécessairement, et d’autres, de façon contingente, afin qu’il y ait un ordre dans les choses, pour la perfection de l’univers. C’est pourquoi il a préparé pour certains effets des causes nécessaires, qui ne peuvent défaillir, et d’où proviennent nécessairement les effets ; et pour d’autres effets il a préparé des causes défectibles, dont les effets se produisent d’une manière contingente. Ainsi donc, ce n’est pas parce que leurs causes prochaines sont contingentes que des effets voulus par Dieu arrivent de façon contingente, mais c’est parce que Dieu a voulu qu’ils arrivent de façon contingente qu’il leur a préparé des causes contingentes. » I, q.19, a.8, co
> -Soit une partie au moins de l'essence divine est contingente.
> Ce qui est également absurde.
QUATRIÈME ERREUR !
LA SCIENCE D’APPROBATION N’IMPLIQUE AUCUNE CONTINGENCE : DIEU, SACHANT NÉCESSAIREMENT TOUT CE QU’IL SAIT, SAIT NÉCESSAIREMENT CE QUE SA VOLONTÉ VEUT LIBREMENT.
Voyez les textes donnés plus haut.
> Par contre, si on admet que Dieu connaît l'existence de la
> pomme par la pomme, alors il n'y a plus de problème, à
> condition de préciser les choses suivantes :
>
> Dieu connaît l'existence de la pomme par la pomme directement,
> sans aucun médium entre Dieu et la pomme. Il n'y a donc rien
> qui viendrait dans l'esprit divin pour le déterminer à
> connaître (que ce soit une species, un jugement, etc.) L'Acte
> Pur est donc sauf.
CINQUIÈME ERREUR !
SOIT LE MOYEN PAR QUOI DIEU CONNAÎT EST DIEU, SOIT C’EST UN MEDIUM CRÉÉ.
OR D’UNE, SI DIEU CONNAÎT DIRECTEMENT LA POMME PAR LA POMME, LA POMME EST CE PAR QUOI DIEU CONNAÎT. EST DONC TOTALEMENT IDIOT DE PRÉTENDRE QU’IL N’Y AURAIT PAS DE MEDIUM QUO.
DE DEUX, SI LE MEDIUM CRÉÉ N’EST PAS UNE ESPÈCE DE L’OBJET MAIS L’OBJET-MÊME, LA PRÉSENCE DE L’OBJET AU SUJET CONNAISSANT NE SERA PAS INTENTIONNELLE MAIS RÉELLE : DIEU SERA LORS RÉELLEMENT CHAQUE OBJET, AFFIRMATION INSANE.
DE TROIS, SI LE MEDIUM QUO EST CRÉÉ, DIEU PÂTIT SOUS L’ACTION DE LA CRÉATURE, AFFIRMATION INSANE.
DIEU CONNAÎT DONC TOUTES CHOSES PAR LUI-MÊME.
La connaissance divine de l’essence divine « comme imitable » est connaissance de l’essence divine en tant que participable, connaissance de l’essence divine dans son rapport à ce qui peut y participer. L’idée divine est l’essence divine en tant que connue par Dieu comme participable. Puis donc l’essence divine est diversement participable, une pluralité d’idées divines.
ID QUO. L’essence divine est ce par quoi Dieu connait.
ID QUOD. L’essence divine est aussi ce que Dieu connait. Dieu la connait donc comme divine et comme participable, comme déité et comme idée.
ID IN QUO. Le Verbe est ce en quoi l’essence divine est connue comme déité et idée.
« De toute nécessité il faut dire que Dieu connaît les autres. Il est manifeste, en effet, qu’il se connaît parfaitement lui-même, sans quoi son être ne serait pas parfait, puisque son être est son connaître. Or, si quelque chose est connu parfaitement, il est nécessaire que son pouvoir soit connu parfaitement. Mais le pouvoir d’un agent ne peut être connu parfaitement sans que soient connues les choses auxquelles s’étend ce pouvoir. Comme le pouvoir de Dieu s’étend aux autres, puisqu’il est la première cause efficiente de toutes choses, comme on l’a démontré précédemment, il est donc de toute nécessité que Dieu connaisse les autres. Cela devient plus évident encore si l’on ajoute que l’être même de la cause première, qui est Dieu, est son connaître, et que toutes choses sont en lui à la manière dont l’intelligible est dans l’intellect. Car tout ce qui est dans un autre y est toujours selon le mode propre de celui en qui il est. Pour savoir comment Dieu connaît ainsi les autres, il faut remarquer qu’il y a deux manières, pour une chose, d’être connue : en elle-même, et en une autre. On connaît une chose en elle-même quand on la connaît par le moyen de sa propre forme intelligible, adéquate à elle, comme lorsque l’œil voit un homme par la forme sensible, en lui, de cet homme. On connaît au contraire en un autre ce que l’on voit par la forme cognitive propre de ce qui le contient, comme lorsque l’on voit une partie d’un tout par la forme cognitive du tout, ou un homme dans un miroir par l’image que donne ce miroir, ou de quelque autre manière dont une chose puisse être vue dans une autre. Partant de là, il faut dire que Dieu se voit lui-même en lui-même, puisqu’il se voit par sa propre essence. Mais quant aux autres êtres, il ne les voit pas en eux-mêmes, il les voit en lui-même, selon que son essence a en elle la similitude de tout ce qui est autre que lui. » I, q.14, a.5, co
« Donc, puisque ce monde n’est pas l’œuvre du hasard, mais a été fait par Dieu qui agit par son intelligence, ainsi qu’on le verra, il est nécessaire d’admettre dans l’esprit divin une forme à la ressemblance de laquelle soit fait le monde, et c’est en cela que consiste formellement l’idée. » I, q.15, a.1, co
« Une forme à la ressemblance de laquelle ». – ID QUO. La forme est la déité, medium quo de la connaissance divine. – ID QUOD. En tant qu’elle est connue comme participable, en tant qu’elle est connue comme ayant en elle la similitude de tout ce qui est autre qu’elle, la déité est connue comme idée exemplaire « à la ressemblance de laquelle… ». Cet id quod peut également être appelé une « forme » en tant qu’elle est la raison formelle de ce dont elle est l’exemplaire (cf. I, q.15, a.2, ad.2).
« Ce qu’on appelle idée ne désigne pas l’essence divine en elle-même, mais en tant qu’elle est similitude ou raison formelle de telle ou telle chose. Pour autant donc que plusieurs raisons formelles sont connues à partir de l’essence une, les idées sont dites multiples. » I, q.15, a.1, ad.1
« Quoique Dieu connaisse par sa propre essence et lui-même et toutes choses, son essence est un principe d’opération à l’égard de toutes les choses, non à l’égard de lui-même. Et c’est pourquoi elle a valeur d’idée selon qu’elle se rapporte aux autres créatures, non en tant qu’elle se rapporte à lui-même. » I, q.15, a.1, ad.2
« Dieu est selon son essence la représentation de toutes choses. Ainsi l’idée de Dieu n’est-elle pas autre chose que son essence [en tant que connue comme participable]. » I, q.15, a.1, ad.3
«Il est nécessaire d’admettre la pluralité des idées… Comment cela ne s’oppose pas à la simplicité divine, c’est ce qu’il est facile de voir, si l’on observe que l’idée d’une œuvre est dans l’esprit de l’opérateur comme ce qui est connu, non comme la forme intelligible par quoi cela est connu et par laquelle est actualisé son intellect... Or, il n’est pas contraire à la simplicité de l’intelligence divine qu’elle connaisse beaucoup de choses : ce qui serait contraire à sa simplicité, c’est qu’elle soit actualisée par plusieurs formes intelligibles. Donc, s’il y a dans l’esprit divin de multiples idées, c’est d’une multiplicité d’objets connus qu’il s’agit. » I, q.15, a.2, co
« Or Dieu, par un médium unique [ID QUO], connaît des choses qui sont multiples, et non seulement selon qu’elles sont en elles-mêmes, mais aussi selon qu’elles sont dans l’intellect comme connues [ID QUOD], et c’est là connaître les raisons formelles des choses en leur multiplicité. Ainsi l’architecte, quand il connaît la forme de la maison réalisée dans la matière, on dit qu’il connaît la maison ; quand il connaît la même forme dans son esprit, on dit qu’il connaît l’idée ou la raison formelle de la maison. Or, non seulement Dieu connaît la multitude des choses par son essence, mais il connaît qu’il la connaît ainsi. Cela revient à dire qu’il connaît une pluralité de raisons des choses, ou encore qu’il connaît qu’il y a dans son intellect une pluralité d’idées connues. » I, q.15, a.2, ad.2
« Selon que l’idée est un principe de connaissance, on l’appelle proprement une raison formelle » I, q.15, a.3, co
« Selon que l’idée est un principe de connaissance ». À proprement parler l’idée divine n’est pas principe de la connaissance divine : « l’idée est dans l’esprit de l’opérateur comme ce qui est connu, non comme la forme intelligible par quoi cela est connu » I, q.15, a.2, co. L’idée est seulement un principe d’opération en tant qu’exemplaire du créable (cf. I, q.15, a.1, ad.2). – Mais parce que l’idée divine n’est pas autre chose que l’essence divine en tant que connue comme participable (« Dieu ne se connaîtrait point parfaitement lui-même, s’il ne connaissait toutes les manières dont sa perfection peut être participée par d’autres » I, q.14, a.6, co), et parce que l’essence divine est le principe de la connaissance divine, est ce par quoi Dieu connaît, l’idée est dite « principe de connaissance » par manière de parler : « elle est le principe par lequel on connait la chose dans le sens où l’on dit que les formes [les raisons formelles, cf. I, q.15, a.2, ad.2] des connaissables sont dans le connaissant. » I, q.15, a.1, co. – De même, puisque l’idée est l’essence divine en tant que connue comme participable, et que l’essence est non seulement ce par quoi Dieu connaît mais aussi ce que Dieu connaît, on dira, par manière de parler, que « l’essence divine est… la raison formelle de toutes choses, étant participable et imitable par toutes les créatures, chacune à sa manière » I, q.14, a.6, ad.3. Manière de parler, l’essence divine et l’idée divine étant conceptuellement distinctes, l’idée divine étant la déité en tant que Dieu la connait comme participable. Manière légitime de parler, essence et idée étant en Dieu réellement identiques. – Cette identité réelle est enseignée notamment en I, q.14, a.4, co : « On doit dire nécessairement que le connaître, en Dieu, est identique à sa substance… En effet, comme l’être est consécutif à la forme, ainsi l’intellection est consécutive à la forme intelligible. Mais en Dieu, il n’y a pas de forme qui soit autre que son être même, ainsi qu’on l’a montré. Il en résulte donc nécessairement, son essence même étant forme intelligible,… que son connaître lui-même est et son essence et son être. De tout ce qui précède il résulte qu’en Dieu, l’intellect, le connu [id quod], la forme intelligible [par quoi Dieu connait] et le connaître lui-même [l’intellection] sont absolument une seule et même chose. Manifestement donc, dire de Dieu qu’il connaît n’introduit dans sa substance aucune multiplicité. »
« Le verbe conçu dans la pensée représente tout ce que le sujet connaît en acte ; de fait, en nous, il y a autant de verbes que d’objets de pensée différents. Mais Dieu connaît en un seul acte soi-même et toutes choses ; son unique Verbe n’exprime donc pas seulement le Père, mais encore les créatures. D’autre part, tandis qu’à l’égard de Dieu, la pensée divine est connaissance pure, à l’égard des créatures elle est connaissance et cause ; ainsi, le Verbe de Dieu est pure expression du mystère du Père, mais il est expression et cause des créatures. I, q.34, a.3, co
« Dieu connaît les créatures, mais d’un savoir qui ne provient pas des créatures : il les connaît par sa propre essence. Aussi, bien que le Verbe exprime les créatures, il ne s’ensuit pas qu’il en procède. » I, q.34, a.3, ad.3
CORDIALEMENT.
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